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trafikandar

Hommage à JuliaAa, une artiste suspendue en plein vol...

15 Février 2018 , Rédigé par Nitischer Zamre Publié dans #Arts PlastiK

Hommage à JuliaAa, une artiste suspendue en plein vol...
Hommage à JuliaAa, une artiste suspendue en plein vol...
Hommage à JuliaAa, une artiste suspendue en plein vol...

Disparue aux premiers jours de l'été, Julia Judet (JuliaAa), jeune artiste au talent prometteur, a laissé une œuvre graphique et plastique qui ne lasse pas de fasciner. Depuis, ses amis, les artistes qui l’ont côtoyée lui rendent hommage en montrant son travail, en évoquant son parcours riche d'expériences et de collaborations. Musicienne, plasticienne, lui consacrer un article nous a semblé une nécessité. 

JuliaAa vivait dans le Paname suburbain de Bondy (93), monstrueuse banlieue qui telle Kronos dévore ses enfants. Lieu de la marge, fief des révoltés, des concerts DIY, de ceux qui customisent les objets jetés par d'autres, comme on rafistole sa vie, en tentant de se fabriquer des semblants de bonheur, juste pour se marrer, même si on rit jaune.

JuliaAa avait des traits encore enfantins, une douceur angélique, une voix au timbre clair, une timidité confinant à l'effacement ; mais dans le fond elle était aussi une autre.

Nous avons pénétré son univers.

Ses peintures figurent un monde peuplé de personnages grimaçants, de silhouettes graciles cernées de noir, hybrides mi- homme, mi- animal, représentées avec un sens aigu du détail, aux yeux exagérément grands, gais et terrifiants, qui semblent inviter le spectateur à une macabre sarabande dans un espace d'où toute profondeur est abolie. L’humour féroce sous-jacent sue par les bouches cousues, s’exhibe en des postures incongrues et des regards exorbités. Lumière et ombre circulent et se posent crûment, surexposant les visages. Les fonds opaques aux surfaces vérolées vibrent d'un éclat surréaliste.

Ses "poupées vaudous" nées de papier mâché, de capsules de bière, de touffes de poils, de boutons arrachés, de bribes de tissu, de perles, liés de colle, peintes à l'acrylique forment une étrange colonie de candidats à l'adoption, regroupée parfois dans une valise-boutique, comme pour partir en voyage.

Ce monde reflétant une inquiétante étrangeté captive le regard, happe l'attention et la retient, serrée entre malaise et fascination. Coincés entre l'univers rassurant de l'enfance et l'angoisse vis à vis de l'avenir, ses personnages à l'esthétique ambigüe évoluent dans un espace clos. Ici pas de manière noble, pas d’art savant, juste l’essentielle et humaine poiesis.

Le travail de JuliaAa, où la présence de l’art est signalée par la tension qui sous-tend les œuvres, navigue habilement entre Jérôme Bosch, Edward Munch ou Francisco Goya, s’inscrivant dans la grande tradition expressionniste. Car pour définir ces artistes à la singularité dérangeante, nous ne pouvons que chercher les signes particuliers qu’ils ont en commun, comme pour décrire un syndrome, celui de l’Art Brut.

Les œuvres de JuliaAa, désormais orphelines, poursuivent leur chemin comme autant de memento mori, vanités dérisoires, et parlent à qui sait les regarder.

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